Historique du gille - période de 1800 à 1875
Le costume du Gille porte des références explicites qui ne laissent pas planer le doute sur son origine historique et géographique :
n Les lions rouges et noirs dont sont cousus sa blouse et son pantalon sont les lions héraldiques des armoiries de la Province du Hainaut.
n L’armorial noir-jaune-rouge, les drapeaux belges qui parsèment son costume ainsi que la figuration des armoiries de la Belgique qui se trouve sur sa bosse dorsale n’ont pu être introduits qu’après 1830, c’est-à-dire après l’indépendance de la Belgique et la création de son drapeau national.
Néanmoins, la première moitié du 19ème siècle est marquée par la présence, dans nos régions, d’un personnage carnavalesque qui serait mi-gille, mi-polichinelle, avec
n Deux bosses rondes
n La barette, c’est-à-dire le bonnet de toile blanche porté sur la tête
n La collerette, la pièce de tissu portée sur les épaules
n L'apertintaille, le collier de clochettes qui enserre la taille
n Les sabots
n La coiffe emplumée, sans grande beauté ni recherche, faite alors de plumes de coq noires et non blanchies.
Certains historiens ont été amenés à faire un rapprochement entre le personnage du Gille et celui d’un autre folklore voisin : le Doudou, un personnage qui devait plus tard donner naissance après évolution au costume du célèbre Chinel de Fosses-la-Ville, près de Charleroi.
A. Le "Gilles" ou gille appartenant au théâtre de la foire depuis 1640, introduit par l'acteur Gilles le Niais. Tantôt niais et poltron, tantôt dégourdi et railleur. Tout de blanc vêtu avec sarrau, barette sous le chapeau et collerette couvrant les épaules.
B. Le polichinelle français, autre personnage théâtral qui descend dans la rue
(jusqu'aux environs de 1830)
1. Le Doudou fossois, d'après photo
2. et 3. Représentation du Gille-polichinelle avec son chapeau à plumes de volaille
4. L'une des phases de la métamorphose du "Gille" avec plumes de marabout et figurations fantaisistes
5. Le Gille à "Ramponeau"
Qu’est-ce qu’un Doudou ?
1) Doudou voudrait dire « gros, difforme, d’une grosseur disproportionnée par rapport à la hauteur ». Les homonymes « doedoe, dodo, doudo » ont toujours le même sens : c’est la « grosse biette », comme le disent nos amis montois pour qualifier le dragon légendaire que combat chaque année Saint-Georges lors du combat historique dit « Lumeçon », lors de la ducasse de Mons.
Les Anglais disent « dodo » et les Portugais « doudo » pour désigner l’oiseau étrange trouvé au 16ème siècle dans l’île Maurice, mi-oie, mi-autruche, lourd et stupide mais aujourd’hui disparu.
2) Le doudou fossois fait partie du folklore local de Fosses-La-Ville depuis une époque très lointaine et non déterminée, apparaissant dans les réjouissances du Mardi-Gras, puis du Laetare. Il disparaît progressivement à partir de 1825 - 1830, tout en se transformant pour faire place au Chinel actuel, qui est en fait le polichinelle français, tout en couleur, enjoué, tapageur et farceur.
3) Primitivement, le doudou se présente avec une large veste blanche, genre « sarrau », bourrée de « torquettes » de foin, un pantalon court et bouffant, blanc comme la veste, mais plus tard avec liseré rouge ; des bas noirs, des manches longues et larges, des sabots peints de blanc et de rouge. Au cou, il porte une collerette blanche et est coiffé d’une perruque faite de chanvre tressé et d’une espèce de mitre au sommet de laquelle s’agite un haut plumet. Enfin autour de la taille, un ceinture pourvue de grelots arrondis. En main, il porte un sabre à l’origine incertaine. Il danse sur un rythme scandé, provenant d’airs populaires de l’époque.
4) Vers 1870, le Doudou cesse « de faire le gille ». Il se débarrasse de ses sabots, de son apertintaille, mais se parera de gros boutons rouges. Les grelots sont remplacés par des dizaines de petits « clokins » de cuivre qui ornent le bas de la veste. Les crêtes des bosses, provenant du polichinelle francais, sont introduites à cette époque. Les Chinels introduisent également leurs airs de musique propres. Ils ont été créés à cette époque par Léon Canivet, un Centralien devenu Fossois, et orchestrés par la suite par Constantin Petit, musicien louviérois bien connu. La partition comporte quatre airs entraînants, bien rythmés et syncopés.
Epoque 1863 - 1878. Le costume du Gille Marabout constitua une des nombreuses métamorphoses qui eurent lieu au 19ème siècle, vers la tenue contemporaine du Gille(Exposition Art et Folklore, mars 1986, ASBL BET)
Retenons simplement de tout cela,
n Qu’en dépit du fait que plus rien ne relie le personnage du Gille au Chinel de Fosses, il y a de fortes présomptions sur le fait que les origines soient communes.
n Que le personnage actuel du Gille est un héritier direct d’un gille hybride et ayant hérité d’influences multiples au cours du temps. Personne n’a inventé ou créé ce folklore, mais il résulte d’un brassage provenant :
1)des tréteaux des représentations foraines auxquelles assistaient nos ancêtres, au sein même de notre région durant les 17ème et 18ème siècles.
2)d’une adaptation au folklore et au patrimoine nationaux postérieure à 1830 : les couleurs de l’armorial de la Belgique, les airs de Gilles officiels « Eloi à Charleroi », « Le Doudou » où est joué l’air propre du combat du Lumeçon de Mons sous une forme légèrement différente. On peut en toute objectivité chiffrer la durée de cette période d’adaptation à 50 ans, à dater de 1830 pour se terminer vers 1880.
3)de codifications respectives datant de la fin du 19ème siècle et propres à la Région du Centre.
De fait, la première reproduction d’un dessin avec gilles date de 1890. Il a été composé par le maître flamand Henry Cassiers, pour le journal « Le National Illustré ». Si le Gille avait été si beau, si impressionnant, si apprécié par le peuple, il aurait certainement frappé les esprits et tenté la plume ou le burin d’une collection de maîtres, et cela bien avant l’introduction de la photographie.
Epoque 1863 - 1878. La tenue du Gille à Ramponeau connut un succès réel mais éphémère : la coiffe réduite permettait de danser plus librement. (Exposition Art et Folklore, mars 1986, ASBL BET)
Ce n’est pas le cas.
Vers 1880, dans le même état d’esprit que ce qui se passe à Fosses-la-Ville, le folklore du Gille de Binche s’authentifie également. La bourgeoisie habitant dans les quartiers de la Gare s’empare du costume populaire du gille et de la tradition existante et les améliore pour en faire un travesti de belle facture et un folklore respectable. L’Avant-Dinner, cet air de tambour lancinant et répétitif est codifié. Les 26 Airs des Gilles de Binche sont répertoriés, le dernier air officiel introduit dans le carnet l’étant en 1882, il s’agit de l’Air des Marins, en hommage à cette société binchoise. Le costume du Gille de Binche est amélioré : dentellières et couturiers de valeur ne manquent de fait pas dans la cité binchoise.
A la même époque, il en va de la sorte pour le Laetare à La Louvière. La tradition louviéroise propre du Brûlage des Bosses est introduite en 1878 par la Société des Vieux Gilles du Hocquet, au lieu dit « Placard du Hocquet ». Elle connaîtra différentes évolutions, dont notamment l’introduction du mannequin empaillé dans la scène. Du reste, après avoir été célébré pendant plus de quatre décennies durant les Jours-Gras, le Carnaval de La Louvière, sur proposition de l’Association des Commerçants Louviérois, est déplacé à la Mi-Carême et aux trois jours de Laetare en 1882, année durant laquelle prit place le premier Grand Cortège du Lundi. A cette époque, le Carnaval louviérois est réglementé et pris en charge par la ville au niveau de l’organisation. On est loin de l’organisation du carnaval de quartier, tel qu’il se pratiquait à Baume, déjà 40 ans plus tôt, avant 1850. En fait, les pouvoirs locaux prennent conscience de l’enjeu que représente cette belle carte de visite folklorique pour la toute jeune Louvière, dont la fondation communale en 1869 est toute récente.
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